Par Alexandre Gauthier
Dans nos articles précédents, nous avons exploré l'urgence de la transformation numérique pour les entreprises québécoises et analysé comment la peur du changement peut freiner cette évolution nécessaire. Aujourd'hui, plongeons dans un obstacle tout aussi fondamental mais souvent moins visible : le manque de vision stratégique à long terme.
Les chiffres sont éloquents : selon le dernier rapport PwC Global CEO Survey 2024, 45% des dirigeants mondiaux doutent de la viabilité de leur entreprise dans les dix prochaines années sans transformation majeure.
Au Québec, la situation est encore plus préoccupante puisque le Conseil du patronat rapporte que 73% des entreprises citent "l'absence de besoins opérationnels identifiés" comme principal obstacle à l'adoption de l’intelligence artificielle (IA). Cette réalité révèle une incompréhension fondamentale des bénéfices que peut apporter l'IA aux entreprises. Trop souvent, nous nous focalisons sur les prouesses technologiques sans vraiment comprendre leur potentiel transformateur pour nos organisations.
Comme le disait Steve Jobs, la différence est frappante entre "le vieux qui regarde un objet en se demandant ce que c'est" et "l'enfant qui se demande ce qu'il peut faire avec". Cette analogie illustre parfaitement notre défi actuel : dépasser la simple contemplation technologique pour explorer activement son potentiel transformateur.
Cette capacité à voir les possibilités plutôt que les obstacles représente l'une de nos plus grandes forces potentielles dans la transformation numérique.
Le manque de vision stratégique se manifeste de manière particulièrement critique dans un contexte de mondialisation accélérée. Face à la concurrence internationale et l'émergence de nouveaux modèles d'affaires disruptifs, nos organisations présentent plusieurs faiblesses structurelles. L'alignement déficient entre la technologie et les affaires se traduit par une incapacité à répondre aux standards internationaux, avec une absence de coordination entre les initiatives technologiques et les objectifs d'affaires globaux. Les silos organisationnels entre les équipes TI et les unités d'affaires limitent notre capacité à innover et à nous adapter aux pratiques mondiales émergentes.
La gouvernance fragmentée représente un handicap majeur dans un marché mondialisé. Le manque de clarté dans la structure décisionnelle et l'absence d'un cadre de gouvernance cohérent pour les initiatives numériques freinent notre capacité à réagir rapidement aux changements du marché international. Le chevauchement des responsabilités entre les équipes crée une inertie organisationnelle alors que nos concurrents internationaux adoptent des structures plus agiles.
L'approche court-termiste est particulièrement dangereuse dans ce contexte mondial, où les entreprises qui négligent les investissements dans la transformation numérique et le développement des compétences risquent de voir leur position concurrentielle s'éroder rapidement face à des acteurs internationaux plus avancés technologiquement.
Une vision stratégique inadéquate a des impacts majeurs sur l'organisation. Elle entraîne non seulement une perte d'efficacité opérationnelle et une fragmentation des initiatives numériques, mais provoque aussi une démobilisation des équipes. Les ressources sont gaspillées, le retard technologique s'accentue, et l'entreprise manque des opportunités d'affaires cruciales. Ces conséquences, qui s'accumulent au fil du temps, peuvent sérieusement compromettre la compétitivité et la survie même de l'organisation.
L'histoire récente illustre parfaitement l'importance d'une vision stratégique claire. Prenons l'exemple d'Amazon et Walmart : alors que les inquiétudes portaient initialement sur l'impact des grandes surfaces sur le commerce local, c'est le commerce en ligne qui a finalement bouleversé le paysage commercial.
La transformation numérique dépasse largement le commerce de détail. Des entreprises comme Uber ont redéfini leurs secteurs en profondeur, forçant l'adaptation des cadres réglementaires et des modèles d'affaires traditionnels. Tesla, avec ses projets de taxis autonomes, pourrait transformer radicalement notre rapport à la mobilité.
En 2018, Amazon a augmenté son salaire minimum à 15 $ de l'heure — une initiative largement saluée. Jeff Bezos, PDG d'Amazon, a ensuite mis au défi ses concurrents, particulièrement Walmart, d'égaler ou de dépasser cette rémunération.
Cette décision a exercé une forte pression sur des entreprises comme Walmart, dont le salaire minimum n'était alors que de 11 $ de l'heure. Selon plusieurs analystes, cette concurrence salariale risquait de déstabiliser le modèle économique de Walmart en augmentant ses coûts opérationnels et en réduisant sa compétitivité.
À l'horizon se dessine déjà la prochaine révolution : un salaire minimum de 25 $ de l'heure, rendu possible par la robotisation avancée et l'implantation de l'IA. Au Québec, les hausses successives du salaire minimum exercent déjà une pression considérable sur les PME, soulignant l'urgence d'une transformation numérique réussie pour maintenir leur compétitivité.
Pour développer une vision stratégique efficace dans un contexte de mondialisation croissante, les entreprises doivent adopter une approche globale et prospective. Dans un monde où les frontières économiques s'estompent et où la concurrence peut surgir de n'importe où, trois axes prioritaires émergent.
Premièrement, la mise en place d'une gouvernance adaptée est cruciale. Cela implique non seulement la création d'une structure décisionnelle claire, mais aussi l'établissement d'une veille stratégique internationale permettant d'anticiper les évolutions du marché mondial. Les entreprises doivent développer leur capacité à détecter et à réagir rapidement aux changements dans leur environnement concurrentiel global.
Deuxièmement, l'alignement technologique doit être pensé dans une perspective internationale. Les choix technologiques doivent non seulement servir les objectifs actuels de l'entreprise, mais aussi permettre une adaptation rapide aux standards internationaux et aux nouvelles pratiques émergentes. La compatibilité et l'interopérabilité des systèmes à l'échelle mondiale deviennent des enjeux majeurs.
Enfin, le développement des compétences prend une dimension internationale critique. Les équipes doivent être formées non seulement aux aspects techniques, mais aussi aux enjeux interculturels et aux pratiques d'affaires internationales. La capacité à collaborer efficacement dans un environnement mondialisé devient une compétence clé pour assurer la pérennité et la croissance de l'entreprise.
Le Québec dispose aujourd'hui d'atouts pour réussir sa transformation numérique, notamment grâce à la synergie entre nos pôles technologiques et notre communauté créative. Cette force repose sur la capacité d'innovation de nos créatifs québécois qui, possèdent ce don précieux de voir au-delà des outils technologiques pour imaginer leurs applications transformatrices.
En combinant l'expertise de notre écosystème IA mondialement reconnu, nos programmes gouvernementaux de soutien, et surtout, notre main-d'œuvre hautement qualifiée et créative, nous créons un terreau fertile pour l'innovation. Cette approche unique, qui marie la rigueur technologique à la créativité québécoise, nous permet de développer des solutions novatrices qui dépassent les simples applications techniques pour créer de véritables transformations d'affaires.
Le manque de vision stratégique n'est pas une fatalité. C'est un défi qui peut être surmonté avec les bons outils, le bon accompagnement et, surtout, une volonté d'agir déterminée. Dans un monde où la transformation numérique n'est plus une option mais une nécessité, les entreprises qui développeront une vision stratégique claire et actionnable seront celles qui prospéreront.
Chez Croo, nous sommes convaincus que chaque entreprise peut développer une vision stratégique forte et la transformer en réalité opérationnelle. Notre rôle est de vous accompagner dans cette démarche, en apportant notre expertise technique et notre expérience dans la conduite du changement.
La question n'est plus de savoir si nous devons nous transformer, ni même quand, mais comment nous allons orchestrer cette transformation pour en faire un véritable avantage compétitif. Le futur appartient à ceux qui sauront voir loin et agir maintenant.